Le grand silence des années devra s’affronter à la splendeur précaire des jours qui s’ouvrent, à ces moments où les montagnes, en l’absence des nuages plus tardifs, s’apprêtent, sans rien en laisser voir, à colorer les brises et l’océan. Ce ne sera pas nécessairement la fête des nécropoles ni le mûrissement des charniers comme en d’autres temps d’autres lieux où les brises portaient ces odeurs de chairs pourries et de bûchers sur les océans détrempés par la douleur des îles à venir, par la douleur des continents oublieux. Ah ces terres oublieuses dont certains veulent se souvenir à tout prix — y endettant même leur vie et leur mort, y gageant leur place au monde et dans le moment de leur temps -, et qui ne savent même pas qu’il y a eu de l’oubli, de la perte ou du chagrin.
Ce ne sera pas nécessairement la célébration des désespoirs et des précarités, des douleurs et des fragilités comme en d’autres temps d’autres lieux plus victimaires. Ce ne sera pas nécessairement le chant triomphant et glorieux des victoires magnifiquement remportées sur les destins contraires, ces inscriptions d’éternité sur les territoires devenus.
Mais le grand silence des années devra s’affronter à la splendeur précaire des jours qui s’ouvrent grand, là même où nous sommes, à la croisée de tous les horizons, au médian de toutes les courbures, au balan des bateaux et des avions solaires.
Que nos voix sont alors précaires, malaisées à dire et faire écouter le saugrenu des histoires qui ont été, qui sont, qui seront peut-être les nôtres !
Que nos voies sont alors précaires dans le péril désormais de la non reconnaissance de qui serait l’ennemi.
Mais elles ne sont à la marge d’aucun des mondes, en marge d’aucune des instances où se vivent les vies, en attente d’aucune défaite, en espoir d’aucun effondrement, en confiance d’aucune défiance.
Attentives aux défis des nuits et des jours et de ce qui les sépare ou les rapproche. Attentives aux voies et à leurs promesses comme à leurs risques; attentives aux voix et à leurs adresses comme à leurs timbres.
Éditeur, critique littéraire, universitaire spécialiste des littératures créoles et francophones des mondes indianocéanqiues, Carpanin Marimoutou est peut-être avant tout poète. Nourri des cultures dravidiennes apportés par ses ancêtres engagés , son enfance créolophone est rythmée par les sons et les textes du maloya, les rythmes du narlgon, les sonorités malgaches et dravidiennes qui irriguent la langue créole réunionnaise et qui construisent depuis toujours so langage poétique.
Auteur
Carpanin Marimoutou
Pays
La Réunion
Éditeur
éditions K'A / Stéphane Hoarau
Email
marimoutouj@wanadoo.fr
Comédien
Clémence Soupe