La Francophonie dans tous ses états

L'Océan indien           La Réunion
Couronnées d’oiseaux, 2024
Estelle Coppolani
Editions Projectiles
Comédien : Véronique Nankoo

Lʼenvolée

où est-elle passée
celle dont le chant résonnait
entre les pieds de pamplemousse
et les bananiers

où sʼen est-elle allée
celle dont la coutume était de plonger
dans la rivière ouverte sur la ville
des bassines de cuivre
où lʼeau rendait à lʼeau
un torrent de prières
ainsi que sur les rives
du fleuve Kaveri

lʼun sʼefforçait de la piller
lʼautre voulait en faire sa captive
scellée dans un coffret de bijoux
offert à sa propre convoitise

se peut-il quʼelle sʼen soit allée
au moment où les hommes dormaient
en rêvant à lʼodeur de santal de sa peau
et à ses cheveux baignés dʼhuile

certaines savent quʼà la dernière lune
un vieil homme lui avait lu
sur une feuille de latanier
la tournure des astres
et quʼelle en avait dansé

sur les murs et les rochers
les nuages à présent sʼamusent
en traçant des ombres de cerfs et de lions
remontés des histoires quʼelle aimait raconter

peut-être quʼelle a pris les routes
pour monter jusquʼà la forêt
et que nul homme ne le sait

un enfant qui voit
toutes sortes de choses
dit quʼil a conversé sous les filaos
avec un paon échappé des bois
où la femme se serait retirée

il dit que sa grande soeur
a fui les ardeurs de lʼété
et quʼelle est arrivée dans un pays
où la mangue et le basilic
sont servis sur des plateaux dʼor

il parle de son front arrosé
par des averses précoces
et de sa main fraîche aussi
plongée dans de grands sacs de riz

il parle dʼun sommeil de coton
chaque fois terminé
par un grand éclat de rire
où Krishna apparaît
dans un fracas de cloches

il dit quʼelle est partie si loin
quʼà force de marcher
ses pieds meurtris se sont embrasés
prenant la couleur du lotus rouge

Je veux citer Jacques Derrida : « Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne ».

Estelle Coppolani est poète et dramaturge. Elle travaille sur les fonds littéraires de l’océan Indien et sur les phénomènes de recomposition poétique engendrés par les situations de migration. Selon les projets, Estelle écrit seule ou avec d’autres artistes, venus des mondes du spectacle ou des arts visuels. En 2024, son premier recueil de poèmes intitulé « Couronnées d’oiseaux » est paru aux éditions Project’îles. Elle est également commissaire associée à la Cité des Arts de Saint-Denis (La Réunion) et curate l’exposition collective « Zistwar mantèr ». En parallèle, Estelle fait partie du Comité scientifique de l’Edouard Glissant Art Fund ainsi que du Comité éditorial de la maison d’édition féministe Les Prouesses.

Titre
Couronnées d’oiseaux, 2024

Auteur
Estelle Coppolani

Pays
La Réunion

Éditeur
Editions Projectiles

https://www.editions-projectiles.com/

Site internet
https://www.estellecoppolani.com Comédien
Véronique Nankoo

L'Océan indien
Comores
Anguille sous roche (Ali Zamir)    
Amane, 2023 (Bachirou Mahamoud)    
Johanna pour toi, pour moi (Saindoune Ben Ali)    

Maurice
Ceux du large (poésie, recueil trilingue) (Ananda Devi)    
Langaz Kreol (Album Isi Laba, 2015) (Daniella Bastien)    
Misère, Atelier des Nomades (Davina Ittoo-Mohangoo)    
La saison des mots (Feu Vinod Rughoonundun)    
Tigann, la traversée d’une femme à contrevent (Melanie Pérès)    
Calendrier lacunaire (Michel Ducasse)    
Terres marronnes – la terre parle, Lepok Studio (Shakti Callikan)    
Rêve d’oiseau, Myrobolan l’arbre-forêt (Shenaz Patel)    

Mayotte
Amère (Nadjim Mchangama)    
Daïra pour la mer (Nassuf Djailani)    

Seychelles
SIPAY, Revue seychelloise de poésie, n°3 (Andréa Mounac)    
Extrait de SIPAY, Revue seychelloise de poésie, n°1 (Marie-Flora Nourrice)    

Madagascar
Tragédie cotonnale – Oppari du Lambamena (Ari Gautier)    
Mille naissances pour quelques morts, Encre et lumière, MBM, 2024 (Elie Ramanankavana)    
Acharnée (Gad Bensalem, de son vrai nom Tokiniaina Rakotomanga)    
La Voix, le loin (Jean-Luc Raharimanana)    
Amour, patrie et soupe de crabes, 2019 (Johary Ravaloson)    

La Réunion
Shemin Maniok, shemin galé, 2009 (Carpanin Marimoutou)    
Couronnées d’oiseaux, 2024 (Estelle Coppolani)    
Mettre bas la capitale (Jean-Louis Robert)    

Inde
Tragédie cotonnale – Oppari du Lambamena (Ari Gautier)    
L’iris et l’hibiscus (Yamouna David)    

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