j’habite une brisure nacrée
j’habite un soleil en camaïeu
j’habite une langue de laves et de larmes
j’habite une césure syncopée
j’habite un silence impétueux
j’habite le morne coiffé d’hivernage
j’habite le retranchement des entraves
j’habite les confins de l’histoire
j’habite une mémoire émiettée
j’habite des mots arrachés à la postérité oublieuse
que je marronne en blasphèmes expiatoires
je suis d’un pays qui vrille en déraisons obscures
une île mortifère qui déconstruit ses légendes en syllabes cycloniques
je suis d’un pays ravagé d’espoirs marchandés
une île plurielle qui se morfond en lâchetés singulières
j’habite une blessure de chants de cannes
j’habite un rêve sauvage de mélopées inouïes
j’habite des plages verrouillées par la mer
j’habite l’océan qui se refuse à l’estuaire
j’habite l’interstice d’une solitude revêche
j’habite les morsures d’un temps irrésolu
j’habite la falaise où soufflent mes remontrances
j’habite une absence mille fois recommencée
j’habite des saisons d’improbables partances
j’habite une enfance de simoun et d’alizés
que je marmonne en cillements de cœur
je suis d’un pays que je désinvente en débâcles intempestives
une île décousue traversée d’étoiles d’écumes flamboyantes
je suis d’un pays de ronces et de renoncements
une île flibuste pour touristes en mal de tropiques méridiens
je suis d’un pays alangui par une histoire démembrée
une île éperdue d’antiennes à brimer les pas de résistance
je suis d’un pays cherchant refuge sur les collines de l’oubli
une île meurtrie de songes et de mensonges indistincts
je suis d’un pays habité par le non-dit des révérences ordinaires
une île habituée aux mythes ânonnés par des maîtres orgueilleux
j’habite une langue de feu et de sang
ne m’appelez pas en sourdine
ne me bercez pas de racontars
j’habite une langue incandescente
je dis mon pays dans la brûlure du silence
je dis mon île par le soleil de l’insolence
Auteur
Michel Ducasse
Pays
Maurice
Éditeur
texte inédit